Eleonora
Poe, Edgar Allan
(Translator: Charles Baudelaire)
Published: 1841
Type(s): Short Fiction
Source: http://www.ebooksgratuits.com
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A propos de Poe:
Edgar Allan Poe was an American poet, short story writer, playwright,
editor, critic, essayist and one of the leaders of the American Romantic
Movement. Best known for his tales of the macabre and mystery, Poe
was one of the early American practitioners of the short story and a pro-
genitor of detective fiction and crime fiction. He is also credited with
contributing to the emergent science fiction genre.Poe died at the age of
40. The cause of his death is undetermined and has been attributed to al-
cohol, drugs, cholera, rabies, suicide (although likely to be mistaken with
his suicide attempt in the previous year), tuberculosis, heart disease,
brain congestion and other agents. Source: Wikipedia
Disponible sur Feedbooks pour Poe:
• Double Assassinat dans la rue Morgue (1841)
• Le Chat noir (1843)
• Silence (1837)
• Le Scarabée d’or (1843)
• Aventure sans pareille d'un certain Hans Pfaal (1835)
• La Lettre Volée (1844)
• Le Sphinx (1846)
• Hop-Frog (1850)
• Bérénice (1835)
• La Chute de la maison Usher (1839)
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Sub conservatione formæ specificæ salva anima.
RAYMOND LULLE
Je suis issu d’une race qu’ont illustrée une imagination vigoureuse et
des passions ardentes. Les hommes m’ont appelé fou ; mais la science ne
nous a pas encore appris si la folie est ou n’est pas le sublime de
l’intelligence, – si presque tout ce qui est la gloire, si tout ce qui est la
profondeur, ne vient pas d’une maladie de la pensée, d’un mode de
l’esprit exalté aux dépens de l’intellect général. Ceux qui rêvent éveillés
ont connaissance de mille choses qui échappent à ceux qui ne rêvent
qu’endormis. Dans leurs brumeuses visions, ils attrapent des échappées
de l’éternité et frissonnent, en se réveillant, de voir qu’ils ont été un ins-
tant sur le bord du grand secret. Ils saisissent par lambeaux quelque
chose de la connaissance du Bien, et plus encore de la science du Mal.
Sans gouvernail et sans boussole, ils pénètrent dans le vaste océan de la
lumière ineffable, et comme pour imiter les aventuriers du géographe
nubien, aggressi sunt Mare Tenebrarum, quid in eo esset exploraturi.
Nous dirons donc que je suis fou. Je reconnais du moins qu’il y a deux
conditions distinctes dans mon existence spirituelle : la condition de rai-
son incontestablement lucide, qui s’applique au souvenir des événe-
ments formant la première époque de ma vie, et une condition de doute
et de ténèbres, qui se rapporte au présent et à la mémoire de ce qui
constitue la seconde grande époque de mon existence. Donc, ce que je di-
rai de la première période, croyez-le ; et ce que je puis relater du temps
postérieur, n’y ajoutez foi qu’autant que cela vous semblera juste ;
doutez-en même tout à fait ; ou, si vous n’en pouvez pas douter, sachez
être l’Œdipe de cette énigme !
Celle que j’aimais dans ma jeunesse et dont aujourd’hui je trace, posé-
ment et distinctement, ce souvenir, était la fille unique de l’unique sœur
de ma mère depuis longtemps défunte. Éléonora était le nom de ma cou-
sine. Nous avions toujours habité ensemble, sous un soleil tropical, dans
la Vallée du Gazon Diapré. Jamais un pas sans guide n’avait pénétré jus-
qu’à ce vallon ; car il s’étendait au loin à travers une chaîne de gigan-
tesques montagnes qui se dressaient et surplombaient tout autour, fer-
mant à la lumière du soleil ses plus délicieux replis. Aucune route frayée
ne sillonnait le voisinage, et, pour atteindre notre heureuse retraite, il fal-
lait repousser le feuillage de milliers d’arbres forestiers et anéantir la
gloire de milliers de fleurs parfumées. C’est ainsi que nous vivions tout à
fait solitaires, ne connaissant rien du monde que cette vallée – moi, ma
cousine et sa mère.
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Du haut des régions obscures situées au delà des montagnes, à
l’extrémité supérieure de notre domaine si bien fermé, se glissait une
étroite et profonde rivière, plus brillante que tout ce qui n’était pas les
yeux d’Éléonora et serpentant çà et là en nombreux méandres, elle
s’échappait à la fin par une gorge ténébreuse à travers des montagnes en-
core plus obscures que celles d’où elle était sortie. Nous la nommions la
rivière du Silence ; car il semblait qu’il y eût dans son cours une in-
fluence pacifiante. Aucun murmure ne s’élevait de son lit, et elle se pro-
menait partout si doucement, que les grains de sable, semblables à des
perles, que nous aimions à contempler dans la profondeur de son sein,
ne bougeaient absolument pas, mais reposaient dans un bonheur immo-
bile, chacun à son antique place primitive et brillant d’un éclat éternel.
Le bord de la rivière et de maints petits ruisseaux éblouissants qui, par
différents chemins, se glissaient vers son lit ; tout l’espace qui s’étendait
depuis le bord jusqu’au fond de cailloux à travers les profondeurs trans-
parentes ; toutes ces parties, dis-je, ainsi que toute la surface de la vallée,
depuis la rivière jusqu’aux montagnes qui l’entouraient, étaient tapissées
d’un gazon vert tendre, épais, court, parfaitement égal, et parfumé de va-
nille, mais si bien étoilé, dans toute son étendue, de renoncules jaunes,
de pâquerettes blanches, de violettes pourprées et d’asphodèles d’un
rouge de rubis, que sa merveilleuse beauté parlait à nos cœurs, en ac-
cents éclatants, de l’amour et de la gloire de Dieu.
Et puis, çà et là, parmi ce gazon, s’élançaient en bouquets, comme des
explosions de rêves, des arbres fantastiques dont les troncs grands et
minces ne se tenaient pas droits, mais se penchaient gracieusement vers
la lumière qui visitait à midi le centre de la vallée. Leur écorce était mou-
chetée du vif éclat alterné de l’ébène et de l’argent, et plus polie que tout
ce qui n’était pas les joues d’Éléonora ; si bien que, sans le vert brillant
des vastes feuilles qui s’épandaient de leurs sommets en longues lignes
tremblantes et jouaient avec les Zéphyrs, on aurait pu les prendre pour
de monstrueux serpents de Syrie rendant hommage au Soleil, leur
souverain.
Pendant quinze ans, Éléonora et moi, la main dans la main, nous er-
râmes à travers cette vallée avant que l’amour entrât dans nos cœurs. Ce
fut un soir, à la fin du troisième lustre de sa vie et du quatrième de la
mienne, comme nous étions assis, enchaînés dans un mutuel embrasse-
ment, sous les arbres serpentins, et que nous contemplions notre image
dans les eaux de la rivière du Silence. Nous ne prononçâmes aucune pa-
role durant la fin de cette délicieuse journée, et même encore le matin,
nos paroles étaient tremblantes et rares. Nous avions tiré le dieu Éros de
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cette onde, et nous sentions maintenant qu’il avait rallumé en nous les
âmes ardentes de nos ancêtres. Les passions qui pendant des siècles
avaient distingué notre race se précipitèrent en foule avec les fantaisies
qui l’avaient également rendue célèbre, et toutes ensemble elles souf-
flèrent une béatitude délirante sur la Vallée du Gazon Diapré. Un chan-
gement s’empara de toutes choses. Des fleurs étranges, brillantes, étoi-
lées, s’élancèrent des arbres où aucune fleur ne s’était encore fait voir.
Les nuances du vert tapis se firent plus intenses ; une à une se retirèrent
les blanches pâquerettes, et à la place de chacune jaillirent dix asphodèles
d’un rouge de rubis. Et la vie éclata partout dans nos sentiers ; car le
grand flamant, que nous ne connaissions pas encore, avec tous les gais
oiseaux aux couleurs brûlantes, étala son plumage écarlate devant nous ;
des poissons d’argent et d’or peuplèrent la rivière, du sein de laquelle
sortit peu à peu un murmure qui s’enfla à la longue en une mélodie ber-
çante, plus divine que celle de la harpe d’Éole, plus douce que tout ce qui
n’était pas la voix d’Éléonora. Et alors aussi un volumineux nuage, que
nous avions longtemps guetté dans les régions d’Hespérus, en émergea,
tout ruisselant de rouge et d’or, et, s’installant paisiblement au-dessus de
nous, il descendit, jour à jour, de plus en plus bas, jusqu’à ce que ses
bords reposassent sur les pointes des montagnes, transformant leur obs-
curité en magnificence, et nous enfermant, comme pour l’éternité, dans
une magique prison de splendeur et de gloire.
La beauté d’Éléonora était celle des séraphins ; c’était, d’ailleurs une
fille sans artifice, et innocente comme la courte vie qu’elle avait menée
parmi les fleurs. Aucune ruse ne déguisait la ferveur de l’amour qui ani-
mait son cœur, et elle en scrutait avec moi les plus intimes replis, pen-
dant que nous errions ensemble dans la Vallée du Gazon Diapré et que
nous discourions des puissants changements qui s’y étaient récemment
manifestés.
À la longue, m’ayant un jour parlé, tout en larmes, de la cruelle trans-
formation finale qui attend la pauvre Humanité, elle ne rêva plus dès
lors qu’à ce sujet douloureux, le mêlant à tous nos entretiens, de même
que, dans les chansons du barde de Schiraz, les mêmes images se pré-
sentent opiniâtrement dans chaque variation importante de la phrase.
Elle avait vu que le doigt de la Mort était sur son sein, et que, comme
l’éphémère, elle n’avait été parfaitement mûrie en beauté que pour mou-
rir ; mais pour elle les terreurs du tombeau étaient toutes contenues dans
une pensée unique, qu’elle me révéla un soir, au crépuscule, sur les
bords de la rivière du Silence. Elle s’affligeait de penser qu’après l’avoir
enterrée dans la Vallée du Gazon Diapré, je quitterais pour toujours ces
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heureuses retraites, et que je transporterais mon amour, qui maintenant
était si passionnément tout à elle, vers quelque fille du monde extérieur
et vulgaire. Et, de temps à autre, je me jetais précipitamment aux pieds
d’Éléonora, et je lui offrais de faire serment, à elle et au Ciel, que je ne
contracterais jamais de mariage avec une fille de la Terre, que je ne me
montrerais jamais, en aucune manière, infidèle à son cher souvenir, ni au
souvenir de la fervente affection dont elle m’avait gratifié. Et j’invoquai
le Tout-Puissant Régulateur de l’Univers comme témoin de la pieuse so-
lennité de mon vœu. Et la malédiction dont je les suppliai de m’accabler,
Lui et elle, – elle, une sainte dans le Paradis, – si je venais à me parjurer,
impliquait un châtiment d’une si prodigieuse horreur, que je ne puis le
confier au papier. Et, à mes paroles, les yeux brillants d’Éléonora
brillèrent d’un éclat plus vif ; et elle soupira comme si sa poitrine était
déchargée d’un fardeau mortel ; et elle trembla et pleura très-amère-
ment ; mais elle accepta mon serment (car était-elle autre chose qu’une
enfant ?), et mon serment lui rendit plus doux son lit de mort. Et, peu de
jours après, mourant paisiblement, elle me disait qu’à cause de ce que
j’avais fait pour le repos de son esprit, elle veillerait sur moi avec ce
même esprit après sa mort ; et que, si cela lui était permis, elle viendrait
se rendre visible à moi durant les heures de la nuit ; mais que, si une pa-
reille chose dépassait les privilèges des âmes en Paradis, elle saurait au
moins me donner de fréquents symptômes de sa présence, soupirant au-
dessus de moi dans les brises du soir, ou remplissant l’air que je respirais
du parfum pris dans l’encensoir des anges. Et, avec ces paroles sur les
lèvres, elle rendit son innocente vie, marquant ainsi la fin de la première
époque de la mienne.
Jusqu’ici, j’ai parlé fidèlement. Mais, quand je passe cette barrière dans
la route du temps, formée par la mort de ma bien-aimée, et que je
m’avance dans la seconde période de mon existence, je sens qu’une nuée
s’amasse sur mon cerveau, et je mets moi-même en doute la parfaite san-
té de ma mémoire. Mais laissez-moi continuer. – Les années se traînèrent
lourdement une à une, et je continuai d’habiter la Vallée du Gazon Dia-
pré. Mais un second changement était survenu en toutes choses. Les
fleurs étoilées s’abîmèrent dans le tronc des arbres et ne reparurent plus.
Les teintes du vert tapis s’affaiblirent ; et un à un dépérirent les aspho-
dèles d’un rouge de rubis, et à leur place jaillirent par dizaines les
sombres violettes, semblables à des yeux qui se convulsaient pénible-
ment et regorgeaient toujours de larmes de rosée. Et la Vie s’éloigna de
nos sentiers ; car le grand flamant n’étala plus son plumage écarlate de-
vant nous, mais s’envola tristement de la Vallée vers les montagnes avec
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tous les gais oiseaux aux couleurs brûlantes qui avaient accompagné sa
venue. Et les poissons d’argent et d’or s’enfuirent en nageant à travers la
gorge, vers l’extrémité inférieure de notre domaine, et n’embellirent plus
jamais la délicieuse rivière. Et cette musique caressante, qui était plus
douce que la harpe d’Éole et que tout ce qui n’était pas la voix
d’Éléonora, mourut peu à peu en murmures qui allaient s’affaiblissant
graduellement, jusqu’à ce que le ruisseau fût enfin revenu tout entier à la
solennité de son silence originel. Et puis, finalement, le volumineux
nuage s’éleva, et, abandonnant les crêtes des montagnes à leurs an-
ciennes ténèbres, retomba dans les régions d’Hespérus, et emporta loin
de la Vallée du Gazon Diapré le spectacle infini de sa pourpre et de sa
magnificence.
Cependant, Éléonora n’avait pas oublié ses promesses ; car j’entendais
le balancement des encensoirs angéliques auprès de moi ; et des effluves
de parfum céleste flottaient toujours, toujours, à travers la vallée ; et aux
heures de solitude, quand mon cœur battait lourdement, les vents qui
baignaient mon front m’arrivaient chargés de doux soupirs ; et des mur-
mures confus remplissaient souvent l’air de la nuit ; et, une fois, – oh !
une fois seulement, – je fus éveillé de mon sommeil, semblable au som-
meil de la mort, par des lèvres immatérielles appuyées sur les miennes.
Mais, malgré tout cela, le vide de mon cœur ne se trouvait pas comblé.
Je souhaitais ardemment l’amour, qui l’avait déjà rempli jusqu’à débor-
der. À la longue, la vallée, pleine des souvenirs d’Éléonora, me fut une
cause d’affliction, et je la quittai à jamais pour les vanités et les triomphes
tumultueux du monde.
Je me trouvais dans une cité étrangère, où toutes choses étaient faites
pour effacer de ma mémoire les doux rêves que j’avais rêvés si long-
temps dans la Vallée du Gazon Diapré. Les pompes et l’apparat d’une
cour imposante, et le cliquetis délirant des armes, et la beauté rayon-
nante des femmes, tout éblouissait et enivrait mon cerveau. Mais, jus-
qu’alors, mon âme était restée fidèle à ses serments, et, durant les heures
silencieuses de la nuit, Éléonora me donnait toujours des symptômes de
sa présence. Subitement ces manifestations cessèrent ; et le monde devint
noir devant mes yeux ; et je restai épouvanté des pensées brûlantes qui
me possédaient, des tentations terribles qui m’assiégeaient ; car de loin,
de très-loin, de quelque contrée inconnue, était venue, à la cour du roi
que je servais, une fille dont la beauté conquit tout de suite mon cœur
apostat, – devant l’autel de qui je me prosternai, sans la moindre résis-
tance, avec la plus ardente et la plus abjecte idolâtrie d’amour. Qu’était,
en vérité, ma passion pour la jeune fille de la vallée en comparaison de la
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ferveur, du délire et de l’extase enlevante d’adoration avec lesquels je ré-
pandais toute mon âme en larmes aux pieds de l’éthéréenne Ermen-
garde ? – Oh ! brillante était la séraphique Ermengarde ! Et cette idée ne
laissait en moi de place à aucune autre. – Oh ! divine était l’angélique Er-
mengarde ! Et, quand je plongeais dans les profondeurs de ses yeux im-
prégnés de ressouvenance, je ne rêvais que d’eux – et d’elle.
Je l’épousai ; – et je ne craignis pas la malédiction que j’avais invoquée,
et je ne reçus pas la visitation de son amertume. Et, une fois, une seule
fois, dans le silence de la nuit, les doux soupirs qui m’avaient délaissé
traversèrent encore les jalousies de ma fenêtre, et ils se modulèrent en
une voix délicieuse et familière qui me disait :
« Dors en paix ! car l’Esprit d’amour est le souverain qui gouverne et
qui juge, et, en admettant dans ton cœur passionné celle qui a nom Er-
mengarde, tu es relevé, pour des motifs qui te seront révélés dans le ciel,
de tes vœux envers Éléonora1. »
1.Je ne veux pas attribuer trop de lumière aux lueurs qui font quelquefois l’ivresse
des biographes. Cependant, il ne me paraît pas inutile d’observer que Poe avait
épousé la fille unique de la sœur de sa mère, et qu’après la mort de cette femme très-
aimée, il songea pendant quelque temps à se remarier. Maint poëte a souvent pour-
suivi, dans diverses liaisons, l’image d’une femme unique. Cette supposition d’une
âme permanente sous différents corps peut apparaître comme le plaidoyer d’une
conscience qui craint de se trouver infidèle à une mémoire chère. La brusque rupture
du nouveau mariage projeté et presque conclu servirait même à fortifier mon hypo-
thèse. En supposant que la date de la composition d’Éléonora, que j’ignore, soit anté-
rieure à ce projet de nouveau mariage, mon observation n’en garde pas moins une
valeur morale considérable. Le poëte, en ce cas, se serait cru d’abord autorisé par sa
théorie favorite, puis l’aurait jugée insuffisante pour calmer ses scrupules. – (C. B.)
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