Christian Metz
Le cinéma : langue ou langage ?
In: Communications, 4, 1964. pp. 52-90.
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Metz Christian. Le cinéma : langue ou langage ?. In: Communications, 4, 1964. pp. 52-90.
doi : 10.3406/comm.1964.1028
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1964_num_4_1_1028
Christian Metz
Le cinéma : langue ou langage?
Une époque du .cinéma : le « montage-roi ».
En avril 1959, au cours d'un des célèbres « Entretiens » organisés par les
Cahiers du cinéma, Roberto Rossellini x, évoquant entre autres sujets le problème
du montage, exprimait une opinion qui n'était pas nouvelle mais à laquelle il
donnait à la fin du passage un tour plus personnel. Au départ, une constatation
banale : le montage ne joue plus dans le cinéma moderne le même rôle qu'à la
grande époque 1925-1930 ; il demeure bien sûr une phase indispensable de la
création filmique : il faut bien choisir ce que l'on filme et mettre bout à bout
ce que l'on a filmé. Et puisqu'on doit découper et ajuster, comment ne pas
vouloir le faire le mieux possible, comment ne pas chercher à « couper » au bon
endroit ? Mais le montage, continuait l'auteur de Païsa, n'est plus compris
aujourd'hui comme une manipulation toute-puissante. Cette formule, qui figure
presque dans les propos du cinéaste italien, résume en tout cas ce qu'ils avaient
de plus suggestif.
Le montage comme agencement souverain... N'est-ce pas ce montage-là qui
prétendit durant la grande époque à un pouvoir persuasif considéré en quelque
façon comme absolu, et que cautionnaient « scientifiquement » les fameuses expé
riences de Koulechov ? N'est-ce pas ce montage qui par son efficacité — peut-
être surestimée, à coup sûr bien réelle — frappa si vivement le jeune Eisenstein ?
D'abord effrayé par l'énormité presque malhonnête de l'efficience 2 qu'on lui
mettait entre les mains, Eisenstein se laissait bientôt conquérir en esprit par le
désir de conquérir les esprits et devenait le chef de file de tous les théoriciens du
« montage-roi » 8. Ce fut un grand feu d'artifice. Avec Poudovkine, Alexandrov,
Dziga-Vertov, Koulechov, Bêla Balazs, Renato May, Rudolf Arnheim, Raymond
J. Spottiswoode, André Levinson, Abel Gance, Jean Epstein, — et combien
d'autres ! — le montage, à travers l'exploitation ardente et ingénieuse de toutes
1. Cahiers du cinéma, n° 94, avril 1959. Entretien mené par F. Hoveyda et J. Rivette.
2. Le mot est pris ici au sens défini par G. Cohen-Séat : ce n'est pas l'efficacité d'une
démarche particulière ou d'un acte précis, mais le pouvoir qui appartient en propre à un
moyen d'expression.
3. J. Carta a bien analysé cette conversion d' Eisenstein à ses débuts. Cf. « L'huma
nisme commence au langage », in Esprit, juin 1960, pp. 1113-1132, plus spécialement
pp. 1114-1116.
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les combinaisons qu'il autorise, à travers pages et pages écrites à sa gloire dans
livres et revues, devenait quasiment coextensif au cinéma lui-même.
Le bon Poudovkine, plus direct que les autres, ne croyait pas si bien dire
lorsqu'il déclarait avec aplomb x que la notion de montage, par delà tous les sens
particuliers qu'on lui donne parfois (collage bout à bout, montage accéléré,
principe purement rythmique, etc.) est en réalité le tout de la création filmique :
le « plan » isolé n'est même pas un petit morceau de cinéma ; il n'est que matière
première, photographie du monde réel. On ne dépasse la photo pour le cinéma,
le décalque pour l'art, que par le montage. Largement défini, il se confond tout
simplement avec la composition même de l'œuvre 2.
Des grands recueils théoriques d'Eisenstein, Film Form et The Film Sense,
se dégage pour le lecteur moderne ce qu'il faut bien appeler un fanatisme du
montage. R. Micha observe à juste titre que le cinéaste soviétique, obsédé par
cette maîtresse-notion, en arrive à la retrouver partout et à étirer démesurément
ses contours 8. L'histoire de la littérature et celle de la peinture, généreusement
conviées à une sorte de levée en masse, ne lui sont pas de trop pour fournir des
exemples de montage avant la lettre. Il suffit que Dickens, Léonard de Vinci ou
vingt autres aient rapproché deux thèmes, deux idées, deux couleurs pour
qu'Eisenstein crie au montage : la juxtaposition la plus évidemment picturale,
l'effet de composition le plus admis en littérature deviennent à l'entendre prophé
tiquement précinématographiques. Tout est montage. Il y a quelque chose
d'acharné, de presque gênant parfois, dans la façon dont Eisenstein refuse la
plus petite part aux coulées créatrices continues : il ne voit partout qu'éléments
pré-découpés qu'une ingénieuse manipulation viendrait ensuite «monter ».
Aussi la manière dont il décrit le travail créateur de tous ceux qu'il traite de force
comme ses devanciers ne laisse-t-elle pas, en tel ou tel passage vraiment bien peu
probable, de venir contredire aux vraisemblances minimum de toute psycho
genèse de la création 4.
Même acharnement à refuser catégoriquement toute forme de réalisme des
criptif au cinéma. Eisenstein n'admet pas qu'on puisse tourner une scène en
continuité, il n'a que mépris pour ce qu'il appelle selon les passages le « natura
lisme », la « représentation purement objective », le récit simplement « infor-
matif » (par opposition à « pathétique » ou à « organique », c'est-à-dire en dernière
analyse découpé et monté). Il n'envisage même pas que l'enregistrement continu
d'une courte scène elle-même composée et jouée puisse être un choix parmi
d'autres. Non, on doit morceler, isoler des gros plans, puis re-monter le tout.
Le spectacle filmé pourrait avoir sa beauté propre ? Il ne faut pas que ce soit
dit. Comme s'il voulait sans cesse se réassurer, ce grand artiste que son génie
et sa gloire auraient pu assurer mille fois s'arrange à tout coup pour que la beauté,
1. In Cinèa-Ciné pour tous, 1er janvier 1924. Repris dans l'anthologie de Pierre
Lherminier, L'art du cinéma (Seghers, I960), pp. 189-200.
2. Ibid., p. 190 dans la pagination Lherminier.
3. R. Micha, < Le cinéma, art du montage ? », in Critique, août-septembre 1951, n08 51-52, pp. 710-724. Pour l'idée qui nous occupe, pp. 723-724.
4. Voir en particulier le rapprochement entre Dickens et Griffith, in c Dickens,
Griffith and the film to-day », contribution d'Eisenstein à Amerikanskaya kinemato-
grafyia : D. U. Griffit (Moscou, 1944). Repris dans l'édition Jay Leyda de Film Form
couplé avec The Film Sense (New York, Harcourt-Brace et Meridian Books), 1957,
pp. 195-255.
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impitoyablement refusée à toute instance profilmique 1 surgisse sans malentendu
possible du filmage et de lui seul. Plus encore : du montage et de lui seul. Car
au niveau de chaque « plan » il y a déjà filmage, donc composition. Mais Eisenstein
ne manque pas une occasion de dévaloriser au profit des soucis d'agencement
séquentiel tout l'art qui a pu s'investir dans le modelage des segments agencés.
L'esprit manipulateur.
Un rapprochement s'impose — et il mériterait plus que les brèves remarques
qui vont suivre — entre cette obsession du découpage et du montage et certaines
tendances de l'esprit et de la civilisation « modernes ». Dans ses moments d'ou
trance, lorsque l'inspiration le désertait, le cinéma de montage (ailleurs que dans
les films d'Eisenstein) fut parfois bien près de devenir une sorte de jeu de
mécano — dans un monde où le mécano, le vrai, n'est pas le seul des
jouets syntagmatiques qui ravissent nos enfants. Ils acquièrent en jouant un
goût de la manipulation qui, s'ils deviennent plus tard ingénieurs, cyberné-
ticiens, voire ethnographes ou linguistes, risque de se prolonger en toute une
attitude opératoire dont l'excellence de principe sera ici plus évidente qu'au
cinéma. Et certes, on sait du reste que l'esprit de quelques uns ne définit pas une
époque, de même que le montage-roi ne définit pas tout le cinéma. Si tel est
cybernéticien, tel autre est agriculteur ou balayeur ; si tel film est « monté »,
tel autre se déroule par larges pans. Mais une époque est formée par tout ce qui
s'y manifeste. Celui qui a choisi d'en souligner un aspect se voit trop souvent
reprocher de n'avoir pas dans le même temps choisi d'en souligner les autres :
le défaut d'ubiquité devient péché contre l'esprit. Renonçons pourtant à traiter,
en même temps que notre sujet, tout ce qui n'est pas lui.
A l'époque de Citizen Kane, Orson Welles, à qui les producteurs de la R.K.O.
avaient donné une liberté et des moyens peu communs, s'extasiait à en croire
son biographe 2 devant tout cet appareillage dont on le faisait maître : « Voilà
bien le plus beau jouet électrique qu'on ait jamais offert à un jeune garçon ! ».
Mécano, train électrique : jouets à montage. Les grands magasins vendent les
trains électriques par éléments séparés : un nouveau paquet de rails, acheté après
coup, permet au petit garçon de « monter » autrement l'aiguillage qu'il avait
déjà ; tout s'emboîte. Les prospectus énumèrent (en les classant par «fonctions »
dans la chaîne) les différents « éléments » dont on peut disposer « : Aiguillage
droite, aiguillage gauche, croisement quatre-vingt dix degrés, croisement vingt-
deux degrés... 3 ». Ne dirait-on pas les parties du discours vues par un J. Kury-
lowicz, ou encore quelque « texte » débité par tel Américain fanatique d'analyse
distributionnelle ? Encore les jouets ne sont-ils qu'un exemple... amusant.
Il y a aussi les photo-montages, les « collages », l'importance des papiers découpés
dans les dessins animés de Borowczyk et Lenica ou de tel « expérimental » des
équipes de recherche de la R.T.F. Il y a surtout la cybernétique et la théorie de
1. Au sens défini par E. Souriau. Est profilmique tout ce que l'on met devant la
caméra ou devant quoi on la met pour qu'elle le « prenne ».
2. R. A. Fowleb, « Les débuts d'O. Welles à Hollywood », in Revue du cinéma
2e série, n° 3, décembre 1946. p. 13.
3. Trains électriques de marque « Gégé », au Bon Marché.
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l'information, qui sont venues déborder sur sa gauche * la linguistique la plus
structurale : la langue humaine est déjà passablement organisée, beaucoup plus
en tout cas que bien d'autres « langages » comme la politesse, l'art, les usages ;
le langage verbal est riche d'une paradigmatique assez stricte promettant et
permettant les agencements syntagmatiques les plus variés. Mais aux yeux de
certaines tendances modernes, il traîne encore trop de « substance » avec lui, il
n'est pas totalement organisable. Sa double substantialité, phonique et sémant
ique (c'est-à-dire deux fois humaine, par le corps et par l'esprit) résiste à l'ex-
haustivité de la mise en grilles. Aussi le langage que nous parlons est-il devenu
— fort paradoxalement si l'on y songe — ce que tels logiciens américains appellent
le langage « naturel » ou « ordinaire » — alors qu'aucun adjectif n'est à leurs yeux
requis lorsqu'ils parlent du langage de leurs machines, plus parfaitement binaire
que les meilleures analyses de R. Jakobson. La machine a désossé le langage
humain, l'a débité en tranches bien nettoyées où plus aucune chair n'adhère.
Ces « binary digits », segments parfaits, n'ont plus qu'à être montés (programmés)
dans l'ordre requis. C'est dans la transmission du message que triomphe et
s'achève la perfection du code. C'est une grande fête pour l'esprit syntagmatique.
Des exemples pourraient être pris ailleurs. La prothèse est à la jambe ce que
le message cybernétique est à la phrase humaine. Et pourquoi ne pas parler —
pour s'amuser un peu et nous changer du mécano — du lait en poudre et du
Nescafe ? Et des robots de toutes sortes ? La machine linguistique, au carrefour
de tant de préoccupations modernes, reste cependant l'exemple privilégié.
La démarche qui conçoit et fabrique tous ces produits est largement la même :
l'objet naturel (langage de l'homme ou lait de la vache) est considéré comme un
simple point de départ. On l'analyse, au propre ou au figuré, on isole ses éléments
constitutifs, c'est le moment du découpage, comme au cinéma. Puis ces éléments
sont réparties en catégories isofonctionnelles 2 : d'un côté les rails droits, de l'autre
les rails courbes. C'est le moment de la paradigmatique. Mais tout cela n'est que
préparatif, comme l'était pour Eisenstein le tournage séparé de chaque « plan ».
Le grand moment, celui que l'on attend, celui auquel on pensait depuis le début,
c'est le moment syntagmatique. On reconstitue un double de l'objet initial, un
double totalement pensable puisque pur produit de la pensée : c'est l'intelligibilité
de l'objet devenue elle-même un objet.
Et l'on ne considère nullement que l'objet naturel a servi de modèle. Bien au
contraire, c'est l'objet construit qui est un objet-modèle, l'objet naturel n'a qu'à
bien se tenir. C'est ainsi que le linguiste 3 essaiera d'appliquer au langage humain
les données de la théorie de l'information — et que l'ethnographe appellera
« modèle » non point la réalité qu'il a étudiée mais la formalisation qu'il en a
établie : Cl. Lévi-Strauss est particulièrement net sur ce point 4. On insistera
sur la différence entre l'objet naturel et son modèle reconstruit et cette différence
1. Faut-il dire que ce mot, ici, n'est pas pris dans son sens politique ?
2. Notion prise ici dans un sens élargi, mais empruntée à J. Kurylowicz, « Linguis
tique et théorie du signe », in Journ. de Psych, norm, et pathol., t. XLII, 1949, p. 175.
Du reste, l'idée chère à cet auteur de subordonner la morphologie à la syntaxe va dans le
même sens.
3. Qui est d'ailleurs partagé et parfois réticent sur ces problèmes (voir l'attitude
d'A. Martinet). Mais un P. Guiraud et un R. Jakobson sont plus favorables.
4. Cf. « La notion de structure en ethnologie », communication au symposium Social
structure (New York, 1952). Repris dans Anthropologie structurale, pp. 303 à 351.
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sera en quelque sorte au passif du réel, on l'appellera — par exemple — « non-
pertinente » s'il s'agit en phonologie des variantes facultatives ou individuelles
dans la réalisation articulatoire des phonèmes. Comme le souligne Rv Barthes,
cette reconstruction n'a pas pour but de représenter le réel, ce n'est pas une
reproduction, elle n'essaie pas d'imiter le visage concret de l'objet initial, elle
n'est pas « poiésis » ou « pseudo-physis » ; c'est une simulation, un produit de la
c téchné » 1. En somme : le résultat d'une manipulation. Squelette structural de
l'objet érigé en un second objet, c'est toujours une sorte de prothèse.
Voilà ce qu'Eisenstein aurait voulu faire, voilà ce dont il a rêvé sans cesse :
donner à voir la leçon des événements, parvenir grâce au découpage et au montage
à ce que cette leçon devienne elle-même un événement sensible. De là procède
son horreur du « naturalisme ». A Rossellini qui s'écriait : « Les choses sont là.
Pourquoi les manipuler ? », le Soviétique aurait pu répondre : « Les choses sont là.
Il faut les manipuler. » Ce n'est jamais le cours du monde que nous montre
Eisenstein, mais toujours, comme il dit, le cours du monde réfracté à travers un
« point de vue idéologique », entièrement pensé, signifiant de part en part. Le
sens ne suffit plus, il faut en plus la signification.
Qu'on nous entende bien, il n'est pas question ici de politique. Il ne s'agit
pas d'opposer aux options politiques d' Eisenstein je ne sais quelle objectivité ;
il ne s'agit pas non plus, comme le faisait A. Bazin 2, plus subtil que ceux qui
reprochent à Eisenstein d'être communiste, d'opposer à ses « parti-pris » simple
ment narratifs (et non plus politiques) la possibilité de quelque lecture directe
et mystérieusement fidèle du sens profond des choses. Il ne s'agit que de sémiol
ogie : ce que nous appelons le « sens » de l'événement narré par le cinéaste aurait
été de toutes façons un sens pour quelqu'un (il n'en existe pas d'autres). Mais on
peut distinguer, du point de vue des mécanismes expressifs, le sens « naturel»
des choses et des êtres (continu, global, sans signifiant distinct : ainsi la joie
qui se lit sur le visage de l'enfant) — et la signification délibérée. Cette dernière
serait inconcevable si nous ne vivions déjà dans un monde du sens, mais elle
n'est concevable que comme un acte organisatoire distinct par quoi le sens est
redistribué : la signification aime découper avec précision des signifiés discon
tinus correspondant à autant de signifiants discrets. Elle consiste par définition
à informer un sémantisme amorphe. Dans Le cuirassé Potemkine, trois statues
de lion différentes et filmées séparément formeront, mises bout à bout, un magnif
ique syntagme, on croira que l'animal statufié se dresse, on sera supposé y voir
en toute univocité le symbole de la révolte ouvrière. Il ne suffisait pas à Eisenstein
d'avoir composé là une séquence splendide, il entendait de plus que ce fût un fait
de langue.
Jusqu'où pourrait aller le goût de l'agencement, l'une des trois formes de ce
que R. Barthes appelle « l'imagination du signe » 3 ? A. Moles n'envisage-t-il pas
un « art permutationnel » dans lequel la poésie, enfin réconciliée avec la science,
renoncerait à se draper dans le mystère pudique de l'inspiration, avouerait au
grand jour la part de manipulation qu'elle a toujours comportée et finirait par
1. R. Barthes, « L'activité structuraliste », in Lettres nouvelles, février 1963, pp. 71-
81.
2. Tome III de Qu'est-ce que le cinéma?, pp. 172-173 (dans un passage de La cyber
nétique d'André Cayatte », article repris des Cahiers du cinéma, n° 36, 1954).
3. In Arguments, n08 27-28, 3e et 4e trimestres 1962, pp. 118-120.
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s'adresser à des ordinatrices ? Le « poète » programmerait-la machine, lui fixerait
un certain nombre d'éléments et de contraintes, la machine explorerait toutes les
combinaisons possibles et le « créateur », à la sortie, ferait son choix 1. Utopie ?
Prophétisme ? Mais l'auteur ne dit pas que c'est pour demain et il n'est pas
interdit d'extrapoler à partir des données d'aujourd'hui. Les prophéties se
réalisent rarement sous la forme indiquée, mais certaines n'en sont pas moins
indicatives. Ce travail procède tout entier de la conviction que la manipulation-
souveraine n'est pas une voie féconde pour le cinéma (ni d'ailleurs pour la poésie).
Mais encore faut-il bien voir que de telles orientations sont tout à fait dans la
ligne d'une certaine modernité qui, lorsqu'elle se porte ailleurs que sur la création
esthétique, lorsqu'elle se nomme cybernétique ou science structurale, donne des
résultats beaucoup moins contestables.
Ainsi le montage-roi est jusqu'à un certain point solidaire d'une forme d'esprit
propre à « l'homme structural » 2. Mais ce rapprochement, aussitôt esquissé,
appelle deux réserves qui pourraient bien n'en faire qu'une. Et d'abord l'apogée
du montage est venue bien avant la vague de l'esprit syntagmatique. Ce dernier ne
s'affirme vraiment que depuis la Libération, et c'est justement quand il s'affirme
que le montage, du moins sous sa forme souveraine (1925-1930), est de plus en
plus critiqué et abandonné par les cinéastes et les théoriciens du cinéma 3. D'autre
part, n'est-il pas paradoxal que le cinéma soit au nombre des domaines dans
lesquels l'esprit manipulateur a commencé sa carrière ? Cette idée d'un réel
reconstruit et qui ne cherche pas la ressemblance littérale, n'est-elle pas à l'év
idence contraire à l'essentielle vocation du cinéma ? Le propre de la caméra n'est-
il pas de nous restituer l'objet dans sa quasi littéralité perceptive, même si ce
qu'on lui donne à filmer n'est que le fragment prédécoupé d'une situation glo
bale ? Le gros plan lui-même, arme absolue des théoriciens du montage dans
leur lutte contre le naturalisme visue
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